Du 11 juillet au 3 janvier 2021
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Comment se déroulait le repas au Moyen Âge? Que mangeait-t-on et dans quel ordre ? L’exposition à la tour Jean sans Peur présente un parcours complet de la manière de se nourrir à l’époque médiévale entre pratique sociale et nécessité vitale. Vous découvrirez le mobilier et la vaisselle de table sous toutes leurs formes, les manières, l’organisation du repas, les menus, le choix des ingrédients, les contraintes alimentaires jusqu’aux excès !
Du passé faisons table rase
Au Moyen Âge, du fait de la polyvalence des pièces, la table n’est pas encore « dormante » mais montée sur tréteaux, d’où l’expression mettre la table ou dresser la table. Lors d’un repas, elle est couverte d’une nappe de lin doublée d’une longière (serviette commune) avant de recevoir les tranchoirs servant d’assiettes, les coupes et les couteaux. Autour d’elle, sont installés des sièges parfois dépareillés et notamment le banc qui a donné dans le milieu noble le mot banqueter. La diversité des sièges rend compte d’une hiérarchie à table, où la chaire à haut dossier, parfois surélevée grâce à une estrade, rend compte de la place la plus prestigieuse. Cette place est marquée également par une vaisselle spécifique dite de dignité représentée par une nef ou bien une coupe précieuse comportant les couverts du seigneur. Pareillement, le dressoir présentant les plus belles pièces est placé en évidence à côté de la table du repas et rend compte de l’opulence du maître des lieux. Ce meuble, ancêtre du vaisselier, comporte un nombre d’étages précis rendant compte du rang du propriétaire. Dressoir pour la vaisselle précieuse mais aussi tentures verdoyantes et jonchées de fleurs fraîches célèbrent la richesse du propriétaire dans un cadre idyllique.
À table !
La table du seigneur, est parfois surélevée, toujours proche de la cheminée. Sont distingués un haut bout (proche de celle-ci) d’un bas bout. Conséquence : le nombre de plats servis ne sera pas le même en fonction de l’emplacement. Si l’invité d’honneur voit tous les mets servis devant lui, ceux du bas bout devront seulement se contenter d’une demiaile de poulet !
À la taverne, on s’assoit sans qu’il y ait de hiérarchie précise mais pour un repas en famille, le père a la meilleure place, tandis que les enfants sont placés au bas bout. Début et fin des grands repas sont marqués par le lavage des mains, rituel dont témoignent de nombreux aquamaniles et aiguières. Outre l’hygiène nécessaire puisque les convives mangent avec les doigts et peuvent se partager le contenu des coupes et tranchoirs, les traités de bonnes manières insistent aussi sur la retenue, le fait de ne pas empiéter sur l’espace de son voisin et de rendre hommage à l’hôte même si les
plats sont trop cuits ou trop salés. Ces différents principes auparavant enseignés à la seule aristocratie, se diffusent en milieu urbain à partir du XIIIe siècle. La courtoisie quitte la cour pour devenir civilité. Au cour du repas, toute une brigade s’affaire. Ainsi, pour les noces d’un duc de Bourgogne, avec le personnel en cuisine, pas moins de 515 personnes oeuvrent à la préparation d’un repas ! L’échanson et le panetier ont préséance sur les autres offices de bouche du fait que vin et pain revêtent un caractère sacré. L’échanson ne cesse d’observer son maître pour le servir. Il est placé derrière l’huissier de salle qui porte les bassins et suivi du sommelier qui porte deux pots, l’un pour le vin du prince, l’autre pour son eau.
La chaîne de l’être
Selon la pensée médiévale héritée de la Physique d’Aristote, l’univers est doté d’une organisation verticale, depuis Dieu jusqu’aux objets inertes, situés au plus bas. C’est pourquoi, dans les festins, les fruits sont préférés aux légumes et les oiseaux aux quadrupèdes. Le choix des ingrédients dépend aussi des saisons, de la santé avec ses humeurs et surtout du calendrier religieux qui impose un jeûne sur le tiers de l’année. L’abstinence la plus rigoureuse est celle du carême interdisant la consommation de tout produit carné. La majorité de la population doit alors se contenter de légumes, harengs, crapois (graisse de baleine), lait d’amande… Pour rendre cette période moins douloureuse aux élites aristocratiques et ecclésiastiques, l’imagination des cuisiniers est sans limite : ils n’hésitent pas à travestir le poisson en viande, ou bien à cuisiner le marsouin ou porc de mer comme un porc domestique. Le rythme des repas varie selon les catégories sociales : si bourgeois et aristocrates prennent deux repas par jour, ouvriers et paysans doivent se nourrir plus régulièrement mais avec des mets d’une grande monotonie. Leur repas est constitué de pain à 70 % avec du vin léger et d’un companage (ce qui accompagne le pain, soit principalement les légumes).
Le pays de Cocagne
L’angoisse de la famine au Moyen Âge a produit l’utopie économique du pays de cocagne dès le XIIe siècle. Le banquet en est une des expressions majeures. A la fin du XIIIe siècle, recettes et ordre des mets sont consignés par les maitres-queux dans des manuscrits tels que le Viandier de Taillevent (cuisinier des rois Philippe VI de Valois, Charles V et Charles VI). Dans ces repas parfois gargantuesques, entre 600 g et 1 kg de viande sont proposés par jour et par personne sans que tout ne soit consommé. En effet, chaque service contient de nombreux plats présentés en même
temps sur la table. Ainsi, lors du Banquet du Faisan donné par le duc de Bourgogne Philippe le Bon en 1454, huit services se succèdent comportant alors une cinquantaine de plats.
Convivialité et pouvoir
Le moment du festin est un moment important permettant de mettre en valeur le propriétaire et de sceller des alliances. Celui qui reçoit ne ménage pas ses moyens : la prodigalité est de règle.
Au milieu du repas, il impressionne les invités avec l’entremets, une pièce extraordinaire, pouvant être consommée ou bien à partir de laquelle est donné un spectacle. Règnes animal et végétal, mais aussi épisodes militaires ou mythiques sont reconstitués sous les yeux des convives. Ainsi, pour les noces de Charles le Téméraire, en 1468, deux géants escortent une énorme baleine ; de sa gorge jaillissent deux sirènes et douze chevaliers. En comptant les assistants charges de le faire se mouvoir, le cétacé contient plus de quarante personnes ! Le vin, qui tient également une pièce centrale, est mis en scène par des fontaines de table ou de salle. Celles-ci faites de métaux précieux distribuent à l’envi le précieux liquide tout en sonorisant le repas grâce à des grelots fixés sous les tuyaux. Roi du repas, le vin est aussi l’argument de jeux de table et de plaisanteries prévues au sein même de la vaisselle vinaire. Ainsi existe-t-il des “pichets-girafes” au col évidé, remplis d’un vin qui disparaît à peine versé dedans.
Le banquet est aussi l’occasion de recevoir les suppliques de divers demandeurs. De tels fastes ont inspiré les tables bourgeoises à la fin du Moyen Âge si bien qu’il a fallu ordonner des lois somptuaires réduisant les proportions des banquets autres qu’aristocratiques. Cette prodigalité est vivement critiquée par les moralisateurs. Plus que la surabondance alimentaire, c’est l’excès de plaisir éprouvé à manger qui met la gourmandise au premier rang des péchés capitaux. Sont accusés non seulement ceux qui se livrent aux excès de gueule, mais aussi ceux qui mangent en dehors des heures des repas. Figure de la gourmandise, l’obèse se retrouve stigmatisé. Cependant cet aspect concerne surtout le milieu noble où le fait d’être mince montre une capacité à monter à cheval, à chasser ou à se battre. Dans les milieux populaires, pour une nourrice ou bien un homme du peuple, avoir un embonpoint c’est être en “bon point”, gage de bonne santé et de force physique.
Commissaires de l’exposition : Perrine Mane et Danièle Alexandre-Bidon
Exposition Paris : À table au Moyen Âge
Dates : Du 11 juillet au 3 janvier 2021
Lieu : Tour Jean sans Peur
20, rue Etienne Marcel
75002 Paris
Métro : Ligne 4 (arrêt Marcel)
RER : RER A, B, D (arrêt Châtelet-Les Halles)
Bus : 29 (arrêt Étienne Marcel-Turbigo)
Horaires : Attention ! Nouveaux horaires temporaires : 13h30-18h mercredi / samedi / dimanche.
Plein tarif : 6 euros
(incluant la visite de la tour)
Tarif réduit : 4 euros
(7-18 ans, étudiants, professeurs, demandeurs d’emploi)