Du 1er juillet au 19 octobre 2020
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Dès 1975, Christo et Jeanne-Claude développent l’idée d’empaqueter le Pont-Neuf à Paris avec de la toile polyamide de couleur grès doré, qui recouvrirait les côtés et les voûtes des douze arches du pont, les parapets, les bordures et les trottoirs (le public devant pouvoir marcher sur la toile), ses quarante-quatre lampadaires, ainsi que les parois verticales du terre-plein de la pointe occidentale de l’Île de la Cité et l’esplanade du Vert-Galant. L’exposition majeure consacrée à Christo et Jeanne-Claude retrace l’histoire de ce projet, 1975-1985, et revient sur leur période parisienne, entre 1958 et 1964, avant l’empaquetage de l’arc de triomphe prévu en 2021.
C’est à 23 ans que Christo (Christo Vladimirov Javacheff) et Jeanne-Claude (Jeanne-Claude Marie Denat), nés tous deux le 13 juin 1935, respectivement à Gabrovo (Bulgarie) et à Casablanca (Maroc), se rencontrent à Paris. Christo a fui la Bulgarie communiste en passant par Prague, Vienne, puis Genève, pour s’établir à Paris en mars 1958. De sa formation à l’Académie des beaux-arts de Sofia, il retient une maîtrise des disciplines classiques, mais ne cesse de vouloir dépasser la peinture de chevalet. Les années parisiennes de Christo sont celles de la mise en place de son langage artistique : le travail en relief des surfaces, l’empilement, l’empaquetage, le début des vitrines occultées, et, en collaboration avec Jeanne-Claude, le développement des projets monumentaux en extérieur – qui caractérisent la démarche créative des deux artistes.
La première partie de l’exposition présente les créations des années 1958 à 1964, date à laquelle les artistes s’installent définitivement à New York ; la deuxième partie retrace toutes les étapes du projet parisien The Pont-Neuf Wrapped (Le Pont-Neuf empaqueté), mené de 1975 à 1985. Au milieu du parcours, le film des frères Maysles Christo in Paris (1990) rend compte de l’élaboration de ce projet urbain tout en évoquant la biographie de ce couple exceptionnel, dont le travail commun a fait naître des œuvres parmi les plus spectaculaires de l’histoire des 20e et 21e siècles.
À son arrivée à Paris, Christo réalise des portraits à l’huile sur toile de familles de la haute société, afin de gagner sa vie. Parallèlement à ces travaux, il empaquette des petites boîtes cylindriques en métal et des bouteilles avec du tissu, rigidifié par de la laque, et les entoure de ficelle. Ces recherches, qui intègrent ensuite des éléments de mobilier, puis des barils, constituent ce que Christo appelle son Inventaire. Il confectionne également des Surfaces d’Empaquetage, en utilisant du papier, parfois du tissu, auquel il donne un aspect accidenté par des froissages, des plis, que la laque vient figer et la peinture assombrir par endroits. À cela l’artiste ajoute du sable ou de la poussière pour leur donner un aspect misérabiliste. Ces œuvres constituent l’une des propositions de Christo en réponse aux recherches picturales parisiennes de l’époque. Mais c’est surtout le travail matiériste de Jean Dubuffet qui impulse une série méconnue et présentée ici pour la première fois, les Cratères. Le vocabulaire de l’artiste s’étend bientôt aux barils, dont il réalise des empilements, sous forme de colonnes ou d’accumulations. À l’automne 1961, en réaction à l’érection récente du Mur de Berlin, il imagine de barrer la rue Visconti à Paris avec des barils, projet qu’il fait aboutir avec la complicité de Jeanne-Claude le soir du 27 juin 1962, avant qu’il ne soit sommé par la police de démanteler son édifice. Dès 1961, Christo avait envisagé d’empaqueter un bâtiment public parisien. Et en 1962, il forme le vœu d’empaqueter l’Arc de Triomphe, projet qui verra le jour en 2021.
La chronologie exacte des expériences artistiques parisiennes de Christo n’est pas toujours facile à établir. Les Empaquetages, aspect le plus connu des années 1958-1964, se développent surtout à partir de 1960. Christo privilégie le tissu, dans un premier temps froissé et laqué. Puis il expérimente le tissu brut sans abandonner ses recherches précédentes. L’attention de l’artiste se porte sur l’association de textures variées, sur les jeux de matière et de couleurs. Les cordes et ficelles sont également choisies avec précision. Les Empaquetages restent toutefois mystérieux dans leur contenu, l’artiste se refusant à désigner les objets cachés au regard. Par la suite, Christo ne couvre que partiellement certains objets, en particulier du mobilier. Courant 1960, il découvre le polyéthylène, un plastique transparent qui le conduit également vers d’autres recherches : l’empaquetage de statues et de modèles vivants.
Fin 1962, Christo participe à l’exposition « New Realists » à la galerie Sidney Janis de New York. Malgré l’importance de cet événement pour Christo, placé aux côtés d’Américains de renom tel Andy Warhol, il est abusivement classé, dans le texte de présentation du catalogue, parmi les artistes dont la démarche relève du « ready-made ». En effet, le geste de Christo déconcerte : il n’est pas assimilable à cette approche, pas plus qu’à un commentaire sur la question de l’emballage dans la société industrielle. Enfin, l’association de Christo avec le mouvement du « nouveau réalisme », fondé par Pierre Restany en octobre 1960, n’a été que ponctuelle et il ne s’est jamais vraiment senti affilié au groupe même s’il a pu entretenir des relations d’amitié avec certains de ses membres.
Avant de s’établir à New York en 1964 avec Jeanne-Claude, Christo débute une nouvelle recherche autour de vitrines et de devantures de magasins reconstituées, qu’il occulte depuis l’intérieur avec du papier ou du tissu. Ce qui deviendra la série des Store Fronts confirme l’intérêt de l’artiste pour la dimension architecturale, constitutive des projets urbains développés ultérieurement avec son épouse et collaboratrice artistique.
Le projet d’empaquetage du Pont-Neuf en est un exemple magistral, et fait l’objet du second volet de l’exposition. Dès 1975, Christo et Jeanne-Claude développent l’idée d’empaqueter le Pont-Neuf avec de la toile polyamide de couleur grès doré, qui recouvrirait les côtés et les voûtes des douze arches du pont, les parapets, les bordures et les trottoirs (le public devant pouvoir marcher sur la toile), ses quarante-quatre lampadaires, ainsi que les parois verticales du terre-plein de la pointe occidentale de l’Île de la Cité et l’esplanade du Vert-Galant.
En choisissant le Pont-Neuf comme objet du geste d’empaquetage, Christo et Jeanne-Claude souhaitaient non seulement créer une œuvre temporaire en prise directe avec le réel, mais aussi inscrire leur proposition dans l’histoire de ce pont parisien comme source d’inspiration des artistes. Après Turner, Renoir, Brassaï, Pissarro, Marquet …, Christo et Jeanne-Claude dépassent la question de la représentation picturale pour opérer une transformation qui souligne les qualités architecturales du pont, et renouvelle notre rapport à l’appréhension de ses volumes et à la déambulation. The Pont-Neuf Wrapped, Paris, 1975-1985, comme tous les projets en extérieur des deux artistes, a été présenté pendant une durée très brève (du 22 septembre au 6 octobre 1985), et a nécessité un dispositif technique et humain colossal. Sans compter les dix années de négociation auprès des politiques et des riverains. Les artistes financent leurs réalisations monumentales exclusivement grâce à la vente des collages et des dessins préparatoires réalisés par Christo, et ce, dès l’origine du projet. Ils veillent cependant à conserver, pour chaque projet majeur, un ensemble significatif de ces œuvres, la maquette du projet, les documents témoignant des étapes de sa concrétisation, et des éléments d’ingénierie rendant compte de la structure de protection du monument. C’est cet ensemble autour de l’empaquetage du Pont-Neuf qui, telle une immense installation, est présenté au sein de l’exposition. Il témoigne de l’idée que les projets urbains de Christo et Jeanne-Claude ne se limitent pas au moment de l’empaquetage, mais commencent dès les premières approches et négociations, s’inscrivant de fait dans la réalité de la vie.
Par Sophie Duplaix
Exposition Paris : Christo et Jeanne-Claude, Paris !
Dates : Du 1er juillet au 19 octobre 2020
Lieu : Centre Pompidou
Place Georges Pompidou
75004 Paris
Métro : Rambuteau (ligne 11), Hôtel de Ville (lignes 1, 11), Châtelet (lignes 4, 7, 11, 14)
Bus : lignes 21, 29, 38, 47, 58, 69, 70, 72, 74, 75, 76, 81, 85, 96
RER : Châtelet-Les Halles (RER A, B, D)
Parking : Parc autos payant : entrée par la rue Beaubourg et par la voie souterraine des Halles.
Horaires : Exposition ouverte tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi. Nocturne le jeudi (23h).
Plein tarif : 14 à 11 euros, selon période.
Tarif réduit : 11 à 9 euros, selon période.
Gratuit : Pour les adhérents du Centre Pompidou (porteurs du laissez-passer annuel) et les moins de 26 ans.